Introduction
Après le décret du 31 mai limitant l’achat d’acide hyaluronique destiné aux injections sous-cutanées aux seuls docteurs en médecine et chirurgien-dentiste (voir l’article concernant la lutte contre les injections illégales) Le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) français reconnait désormais un diplôme interuniversitaire (DIU) comme formation diplômante pour exercer la médecine esthétique sur le territoire français.
Qui est concerné
Tous les docteurs en médecine qui souhaitent continuer une activité de médecine esthétique ou la débuter. Ils devront passer soit par une validation des acquis de l’expérience (VAE) soit par la validation de ce DIU.
Les dates et lieux à retenir
Les premiers étudiants pourront commencer le DIU en 2025 il va durer 2 ans. Le nombre de places sera limité à 60 étudiants par année. Ce DIU sera dispensé au sein des facultés de Paris Créteil, Marseille et Bordeaux.
Le format
L’enseignement sera de 160 heures réparti sur deux ans. La partie théorique sera essentiellement dispensée en distanciel. La partie pratique sera un mixte d’ateliers pratiques et de stages chez des médecins agréés.
La VAE
La validation des acquis par l’expérience permettra de se soustraire aux nouveaux DIU de médecine esthétique.
Les conditions requises et non exhaustives sont :
Une durée minimale d’exercice
Minimum 5 années d’exercice en médecine esthétique
Des DU et DIU
Avoir des diplômes universitaires et interuniversitaires en lien avec la médecine esthétique ou anti-âge sera un atout.
Le développement professionnel continu (DPC) à jour
Les médecins français comme dans toute l’Europe devront être à jour de leur DPC. Les médecins devront donc faire la preuve d’un certain nombre de points de formation continue CME/CPD. Le Diplôme SAMBA permet d’en obtenir 24,5.
Pour l’instant il semblerait que le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) français ne soit pas en mesure d’éditer clairement les conditions d’une validation des acquis de l’expérience. Cela va mettre donc plusieurs années avant d’être mis en place.
Activité mixte obligatoire !
Un des éléments cruciaux à mon sens et qui n’est pas beaucoup évoqué dans ce nouveau DIU est l’obligation d’une activité mixte. En effet il semblerait que, pour garder son titre de docteur en médecine et spécialiste, la médecine esthétique ne pourra être qu’une activité partielle.
Le but avoué étant de limiter la conversion des médecins généralistes et d’autres spécialités vers la médecine esthétique. Un médecin qui voudrait donc se consacrer à temps plein à la pratique de la médecine esthétique pourrait se voir invalider son diplôme de docteur en médecine et de spécialistes et donc invalider sa pratique globale de la médecine, incluant la médecine esthétique. Mauvais calcul …
Flou sur la toxine
La toxine botulinique a toujours été un sujet de controverse, car au-delà du fait d’être utilisée à visée esthétique c’est un médicament avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) stricte. En indication esthétique sur le marché français, seul Vistabel et Azzalure et BoCouture ont reçu l’AMM pour les indications au départ de la glabelle (zone inter sourcilière, rides du lion), puis pattes d’oies, et front.
Seuls les médecins qualifiés en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ; en dermatologie ; en chirurgie de la face et du cou ; en chirurgie maxillo-faciale et en ophtalmologie (depuis 2004) sont habilités à prescrire et injecter Vistabel, Azzalure ou BoCouture.
Malgré la qualification liée au DIU de médecine esthétique, la prescription et l’utilisation de toxine botulinique en France ne concerneraient pas tous les détenteurs de ce DIU.
Ce que je trouve bien
De manière générale, l’encadrement de la pratique de la médecine esthétique et l’obligation de formation vont forcément dans le bon sens pour la sécurité des traitements en médecine esthétique au bénéfice des patients
L’alternance d’une phase théorique et de stage pratique me semble être une bonne chose. Quoi qu’il en soit, une régulation en faveur des professionnels qualifiés à savoir les docteurs en médecine pour pratiquer la médecine esthétique est toujours une bonne chose quand on sait le fléau que représentent les injections illégales perpétrées par des personnes non qualifiées, avec des règles d’hygiène non respectées, mettant en danger l’intégrité physique de patients parfois crédules et mal informés.
Les limites que je vois
Première limite
Le nombre de médecins formés par année est dérisoire face à la demande en médecine esthétique. On peut se demander s’il ne s’agit pas là plutôt d’une tentative de restreindre la pratique de la médecine esthétique au sein de la corporation des docteurs en médecine.
Plutôt que d’accompagner la conversion vers une pratique plus sûre et plus responsable. Selon moi limiter aussi drastiquement le nombre de places annuelles pour former correctement des médecins à la pratique de la médecine esthétique risque de renforcer encore l’émergence de la pratique illégale de la médecine esthétique par des personnes sans aucun diplôme.
Deuxième limite
L’activité mixte obligatoire. Même si, en théorie cela peut paraître séduisant, on sait qu’en médecine esthétique c’est la répétition du geste comme en chirurgie qui fait la qualité du praticien. Même s’il n’y a pas que cette variable c’est l’une des plus prépondérantes. Sans qu’à l’inverse la pratique exhaustive soit une obligation, il me paraît être une erreur d’imposer une activité mixte.
De ce point de vue il paraît clair que renforcer l’attractivité des spécialités initiale, telle que la médecine générale, la pédiatrie, la gynécologie, la médecine du travail, la psychiatrie et globalement l’attractivité de toutes les spécialités en France devrait être une priorité absolue.
Troisième limite
La validation des acquis de l’expérience (VAE). Les critères sont encore flous, il va donc être bien difficile de définir des critères justes qui permettront au médecin qui présente une éthique de travail et une approche scientifique et sécuritaire de la médecine esthétique de se démarquer des autres.
Quatrième limite
Le contenu de ce DIU. En effet pour être passé par là, mettre sur pied une formation cohérente, complète, délivrant tous les fondamentaux de la médecine esthétique basée sur des preuves est un exercice difficile et coûteux en temps et argent.
On sait maintenant quelles sont les recommandations de bonnes pratiques qui devraient être partagées par tous les docteurs en médecine pratiquant la médecine esthétique. Qu’en est-il de ce DIU de médecine esthétique et de sa conformité quant aux recommandations de bonnes pratiques.
Le plus important
Le plus important comme toujours c’est de se former lorsque l’on veut pratiquer des actes médicaux à visée esthétique. L’avenir nous dira ce qu’il en est de nos confrères en France et des bienfaits de ce nouveau DIU de médecine esthétique.
Quoi qu’il en soit l’intention est bonne. Il reste maintenant la mise en application pour répondre à la demande croissante de soins de médecine esthétique dans nos sociétés modernes.